L’aube changeante éclair les chemins de travers.
Les vieux se lèvent, rotent et se grattent le derrière,
La barbe pleine des restes de la veille
Donc ils rêvent encore, les yeux plein de sommeil.
C’est à cette heure que toute la ville se lève,
Que chiens et chats abandonnent leur vieille trêve,
Que leurs coups et cris entament le silence
Et font entrer l’Humanité dans leur danse.
En cet instant, le poète sort de sa torpeur
Enfilant les perles de rosée à son cœur
Pour les écrire en lignes d’or entrelacées
Sur le corps de la Muse l’ayant inspiré.
Alors que les démons envahissent la ville
Et que les déments recrachent toute leur bile,
Ce jeune fou se prend à rêver de merveilles
Qu’il cherchera dans le poison et la bouteille.
Derrière ces portes closes l’attendent les fées vertes,
Cette étrange perception de douces pertes…
De mémoire qui lui font oublier son monde…
Comme à un poisson qui évolue dans l’onde.
Ces îles merveilleuses qu’il ne touche qu’en songe,
Qu’il supplie, qu’il désire, qui l’étreint et le ronge,
L’enferment dans un paradis artificiel
Dans lequel il se pose, s’endort et sommeille.
Mais à l’heure du réveil, quand la ville s’endort,
Les vieux démons reviennent à nouveau en renfort,
Du cauchemar qui s’éteint, ils ravivent les flammes
Et lancent leurs filets pour lui voler son âme.
L’obscurité gelant le cœur du poète,
La Muse s’échappant des pensées de l’esthète,
L’homme incompris devient prisonnier du silence,
D’une apocalypse pleine de démon qui dansent.
Et supportant ce combat de tous les instants,
Cette nocturne bataille contre cet homme-enfant,
Le Loup mangeant la Lune, le Mal vainquant le Bien,
Le Poison et le Poète se lient au matin.
Mais comment blâmer ce pauvre homme de lettre ?
Ce fardeau continuel qu’il porte de tout son être,
C’est le désespoir et le malheur du monde
Qu’on lui a donné dès sa naissance immonde.
Dans le miroir vert de son précieux liquide,
L’homme rêve qu’il rêve d’une bouteille vide
Et qu’il s’échappe de sa prison dorée
Pour parcourir le monde, sa Muse à ses côtés.
Au détour d’un sentier, sur le bord du chemin,
La blanche tête de mort qui se dresse au loin
Sonne le glas et le rappelle à ses chaines :
Le poison est bien là ; la bouteille l’entraine.
Sato
(10.12.08)