L'homme se débattait. Son esprit le torturait. Sous l'emprise de ses émotions, de ses sentiments qui ne faisaient que l'emmener un peu plus loin sur le sentier de la folie et de l'insensibilité. C'est une barrière, une muraille qu'il s'érigerait lui-même afin de s'y enfermer, tout en voyant les beautés et les joies dont il se privait inconsciemment.
Une fois qu'il sera fini ce mur, il pourra enfin se débattre dans sa cage sans rien pouvoir faire d'autre que de se plaindre pour de bon.
Ceux ne sont que les meilleurs souvenirs qu'il a en tête ! Que le plus beau, que le plus heureux. Il s'érige son mur de beauté et de plaisir pour mieux trouver terne ce qui l'entoure et souffrir à moitié de ce dont il se prive.
Qu'est-ce qui lui faudrait de plus dans ces cas là ? Seul dans sa muraille, rien de mieux ?
Ecrire ! Ecrire, encore et toujours. Sur le mur qu'il s'est construit, sur chaque brique, des lettres, des mots ont été assemblés. Il n'oubliera pas comme ça ! Il pourra se souvenir de tout.
Son histoire qu'il écrit, luttant pour graver ses murs, il écrit pour lui. Pour se soulager, pour expulser toutes ses mauvaises pensées qui le font se sentir à l'étroit et triste entre ces murs.
C'est l'espoir qu'il bénit, qu'il maudit ; qu'il honore, qu'il diabolise ; qu'il aime, qu'il déteste.
Sa bulle, son rêve ; il y tient à son mur ! Ce qu'il a construit avec ses mains ; ce qu'il a érigé contre lui-même pour mieux être serein.
La paix intérieure qu'il a écrite sur sa muraille... celle dont il rêvait tant !
Le soleil ne perce que faiblement à travers la muraille. Quelques simples rayons de lumière passent et viennent se cogner contre le corps de l'homme. Une aube éternelle, ou plutôt le crépuscule pour le reste de l'éternité. Une sorte de douceur glacée qui ne fait qu'ensorceler le monde autour de lui sans en réchauffer une seule parcelle. Les murs gelés, le sol glacial ; et lui au milieu, trompé par ce triste rayon qui semble illuminer sa vie, créant espoir, joie, plaisir, bonheur...
Rien de tout cela finalement.
Il reste gelé, dans sa cage qu'il voit magnifique. Dans sa tour de cristal.
Mais il est des jours où l'homme se glace. Triste, morne et froid, son âme se perde et son esprit s'égare. Ses murs ne le contentent plus et il se perd à imaginer « ailleurs ». Un ailleurs inaccessible pour lui. Un ailleurs qui n'est que « l'extérieur ».
Finalement, il se rend compte que son mur n'est peut-être pas aussi beau, peut-être pas aussi solide...
Et il se recroqueville, se cache. Pleur jeune homme, âme perdue aux pensées fendues. Qui te sauvera de toi-même ? Qui pourra briser tes chaînes ? Qui pourra te faire sortir de ta tour ?
Il ne fait pas si bon vivre ici...
Mais la vie reprend son cours. Les pensées recouvrent son esprit dément et le font oublier. Il se repend. Regardes son mur, voit ce qu'il voulait. Il se repend. Il fait tellement bon ici !
C'est tellement beau !
Son mur reflétait de douces radiations qui se répercutaient tout du long de sa construction. Le sol était tiède, agréable. Il y faisait bon vivre. Il était chez lui ! Ici au moins, on le comprenait ; on ne le jugeait pas ! Ses soupirs n'étaient pas perdus et se répercutaient sur les surfaces polies et brillantes, créant une douce et lancinante mélopée. C'était beau, ça le berçait. Il priait pour y rester à jamais.
Taper contre les murs. C'est sa colère qu'il essaye de briser. Un sentiment de rage qui l'envahit et qui le rend aveugle. Il ne sent plus rien. Il tape, il frappe, il hurle ; il se déchaîne. Contre les dieux, contre les cieux, contre lui-même.
Une sensation d'impuissance qui le massacre et le détruit de l'intérieur.
Ravagé ! Il tape, frappe, cogne. Il hurle toujours. Le mur face à lui le nargue. Pas de fissure, pas de marque ; il est inébranlable, imperturbable face à la monstruosité, face à lui.
Rien ne bouge.
La colère le surmonte et le démonte.
Qu'est-ce qu'il voulait fuir ? Qu'avait-il espéré ? Derrière son mur... se croyait-il à l'abri ?
Non. Rien ne le protégeait de l'extérieur. Tout protégeait l'extérieur de lui. Il était en fin de compte enfermé, à la merci de tout et de tous !
Alors que pouvait-il bien faire ?
Se morfondre, se lamenter, pleurer sur son sort, sur ce que lui infligeait le Destin, sur ce que lui faisait subir les autres, sur l'hostilité de ce monde.
Personne ne voulait de lui. Ce n'était pas de sa faute... C'est eux qui l'avaient forcé à s'enfermer ici.
Et si son mur chantait ?
Quelle était cette mélodie qu'il entendait ?
Un doux murmure, un bruit profond et sourd. Pénétrant sa chair glacée, lacérant ses pensées.
Devenait-il fou ? Non ! Il entendait le mur ! Le mur lui parlait, c'était sûr ! Il tendait l'oreille pour écouter, pour tenter de percevoir ce qu'il voulait lui dire. Mais il n'y arrivait pas.
Il entendait quelque chose... mais il ne percevait que le son. Pas de paroles, rien de compréhensible. Que pouvait-il faire ?
Il écoute, ce mur, son mur doit vouloir lui dire quelque chose d'important !
Du vent ! De l'air ! Comme cela lui manque... Ce doux contact, ce mouvement dans ses cheveux. La fraîcheur qui vient l'envahir. Ici, tout est sec. Tout est chaud.
Mais de quoi rêve-t-il ?
Le vent ? L'air ? Qu'est-ce donc ?
Il ne connaît plus. Il ne connaît pas.
Ce sol rêche. Ce contact dur et douloureux !
Comment pouvait-il donc en vouloir ? Pourquoi le désirait-il autant ?
Non !
Il est bien sans vent, le vent n'est pas bon pour lui !
Il est bien à l'abri !
Il était assis par terre, au centre de son mur qui l'entourait. Prostré.
Il regardait sa main, la faisait tourner de droite à gauche, de haut en bas.
Il l'étudiait comme si elle ne faisait pas partie de lui, comme s'il la découvrait pour la première fois.
Il se mit à la tâter. Sentir ces sensations lui donnait l'impression de ne pas être endormi, de vivre un peu plus dans ce lieu glacé. Et s'il tirait la peau comme cela ? Souffrance !
Cette chose aussi lui faisait mal. Il la coupe.
Que ressentait-il ? Une douleur prenait la place d'une autre. Il voyait doucement une rivière vermillon couler de son bras amputé. La douleur était intense !
L'impression étrange que quelque chose s'échappait de lui, doucement. Il sentait la brûlure, la douleur se diffusait tout du long de son bras.
Puis, toujours alors qu'il regardait son bras, la douleur se tue. Pourtant, la blessure était toujours là. Il n'avait qu'une impression bizarre de distance.
Se pinçant l'autre main, il avait mal.
Son bras vivait, s'écoulait.
Etendu. Ses murs l'entourent.
Ils sont toujours présents, ils l'ont toujours été. Mais ne parlent-ils pas ? Ne peuvent-ils pas l'aider ?
Etendu, gisant, il souffre. Il souffle car il est seul.
Les murs sont là, sont ses amis, le soutiennent. Mais ils sont toujours froids, glaciaux, et le regardent sans bouger.
Il les hait, plus que tout au monde. Mais ceux sont les seuls présents, les seuls ici, avec lui.
La folie n'est qu'un part de l'homme. Le côté de la bête qui ne peut que l'emmener vers les tréfonds de sa noirceur et de ses pulsions.
Il gisait toujours, dans ses murs, dans sa protection qu'il avait construit avec précaution afin qu'il ne puisse jamais en sortir.
Son bras lui manquait. La douleur était toujours présente et lui rappelait à chaque instant que la folie de guettait.
Le sang se répandait encore et toujours, comme pour prolonger son supplice et sa peine.
Cela ne s'arrêtera jamais !
Couché par terre, l'homme gisait, inconscient. Il dormait. Des spasmes le prenaient par moment, preuves d'un sommeil agité et mauvais. Le long de son corps, toujours cette marre de sang qui grandissait ; un flot continu, pourpre, et qui ne se tarissait jamais. Rêvait-il ?
Des démons le pourchassaient, délaissant la douleur physique de son corps pour attaquer la mœlle de sa conscience. Le harcelant, l'homme ne trouvait plus de repos. Il avait peur de fermer les yeux, mais les ouvrir le hantait aussi.
Aucun plaisir. Aucun désir. Plus rien !
Le vide, le noir, le néant complet. Il était devenu l'ombre de lui-même. Un spectre portant ses habits, sentant son odeur. Un pantin a qui il ne restait plus rien. Pas même son âme !
Il l'avait vendu depuis longtemps pour essayer de se sauver. Il n'avait réussi qu'à se détruire encore plus ; à se vider pour de bon. Vivait-il encore ?
Oui, car il ressentait ! Sa douleur. Son bras. Son sang qui continuait toujours de s'échapper et recouvrir le sol de sa prison.
Un nouveau jour ? Une nouvelle nuit ? Depuis combien de temps était-il enfermé, cloîtré, prostré entre ces murs, dans ses murs ? Il ne savait plus.
Epuisé, il essayait de se traîner d'un bout à l'autre de l'espace qu'il avait. Il ne voulait pas devenir fou ! Il n'était pas fou ! Il devait résister. Encore un jour. Encore une nuit.
Mais qu'espérait-il ? Que cela se finisse un jour ? Qu'il soit libéré ?
Qui aurait pu le délivrer ? Et pourquoi ne l'aurait-il pas fait plus tôt ?
Allongé, les yeux plongés dans le ciel, il ne bougeait pas ; il ne bougeait plus.
De peur...
Peur de relancer les douleurs ; peur de retomber dans ses crises ; peur de perdre l'hallucination qui le maintenait encore un peu vivant entre ses murs.
Il scrutait. Il ne croyait plus à la délivrance. Il espérait. Espoir que quelqu'un entende sa prière, que quelque chose intercède en sa faveur et le délivre de sa folie.
Peut-être que dans le ciel existe quelque chose qui l'entendra et l'aidera...
Chaleur. Tout son corps bouillait. Toujours étendu par terre, il brûlait intérieurement. Des gouttes de sueur perlaient le long de son visage et venaient s'écraser lourdement sur le sol humide et taché de sang. Son bras le brûlait aussi.
Il se tournait dans tous les sens, cherchant avidement un peu de fraîcheur, un peu de vent. Mais rien n'y faisait. Il brûlait toujours.
S'il ne bougeait pas, il aurait moins chaud ; mais il ne pouvait pas s'arrêter.
La chaleur, la douleur.
Rien ne stopperait !
Sa dernière page ? Son dernier rêve ? Sa dernière pensée ? Que seront-ils ?
Au moment où son calvaire finira, qu'en sera-t-il de lui ? Les seuls moments soutenables étaient ses rêves éveillés.
Il rêvait de sa mort. Cauchemardait sur sa vie.
Regrettera-t-il ? Pensera-t-il a ce qu'il a laissé derrière lui ? Se souviendra-t-il de la raison de sa présence entre ses murs ? De quoi a donc été faite sa vie ?
Il se souvient de cauchemars, de sang...
Mais qu'était-il... avant ?
Sato
Fait le 24.05.2007